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Double or Nothing : la critique

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Le pari était osé pour trois grandes raisons. 1) Faire une nouvelle aventure dans l’univers de Bond qui ne serait pas sur Bond mais sur ses collègues, les autres agents double-zéro. 2) Annoncer une trilogie avant même d’avoir eu les premiers retours. 3) La confier à une auteure qui n’a qu’un seul roman à son actif, Testament (qui certes a fait l’unanimité chez la critique). Alors, sans spoiler, la première partie du pari est-elle tenue ?

Lorsqu’on lui pose la question de comment a-t-elle été approchée pour écrire le livre, Kim Sherwood explique que « ils [Ian Fleming Publications] voulaient une nouvelle trilogie pour présenter un ensemble diversifié de héros et suivre leurs aventures dans le monde moderne. Et ils voulaient que ce soit un énorme fan [de Bond] qui l’écrive ». En dehors de ces trois critères de base, elle avait carte blanche pour inventer ce nouvel univers.

Dans son premier roman de la trilogie, Double or Nothing, James Bond 007 a disparu lors d’une mission depuis plus d’un an : sa localisation et son statut sont inconnus (et il est présumé mort). C’est donc à d’autres agents double-zéro que revient la tâche d’enquêter sur une organisation paramilitaire du nom de Rattenfänger, et sur Sir Bertram Paradise, un milliardaire qui affirme pouvoir inverser la crise climatique via son projet de géo-ingénierie.

Entrent alors en scène trois agents 00 qui sont les protagonistes principaux du roman. Vous trouviez que la saga Bond n’était pas assez inclusive et manquait de diversité et représentation ? « Non » ? Peu importe car nos nouveaux héros ont de quoi déclencher les rêves les plus humides des personnes chargées d’inventer les titres putes-à-click des tabloïds qui parlent de Bond tellement, combinés, ils cochent basiquement toutes les cases.

D’un côté nous avons Joseph Dryden (004), un ancien des forces spéciales qui est noir, gay et handicapé. De l’autre « Sid » Bashir (009), grand passionné d’échecs et de mathématiques qui (semble) être musulman. Et enfin Johanna Harwood (003), une femme avec des origines Franco-Algérienne et Nord-Irlandaise qui a un bagage de chirurgienne.

Kim Sherwood explique s’être rendu sur le site du MI6 durant ses recherches pour voir quels types de profil ils recrutaient et s’être rendue compte qu’ils cherchent justement des profils variés afin de pour pouvoir faire face à n’importe quel sortes/lieux de mission. Et si le profil de ces trois personnages est okay pour ma part, on a toutefois l’impression avec tout ce qu’il s’ajoute autour d’eux en lisant que le roman s’inscrit dans un contexte woke. On le ressent à travers beaucoup de noms des personnages en Angleterre qui connotent des origines étrangères, la Jaguar Type E électrique (sacrilège !) de Moneypenny et un peu un féminisme.

Construit en 1955 pour desservir le Cosmodrome, Baïkonour avait conservé sa vocation longtemps après la disparition de la plupart des autres villes satellites soviétiques. Elle était connue sous le nom de Star City. Le passé était glorieux : Spoutnik I ; Youri Gagarine ; Valentina Terechkova. L’avenir était incertain.

Par exemple je suis presque sûr qu’on ne m’aurait jamais mentionné le nom de la première femme dans l’espace durant ce passage il y a encore quelques années. Reconnaissons à Sherwood qu’elle n’a au moins pas fait le faux pas de changer le sexe ou la couleur de peau d’un personnage déjà existant (contrairement à ce qui fut fait dans les films et BD Bond). L’écologie joue un rôle important dans ce roman et c’est une bonne chose dans la mesure où les changements climatiques sont l’une des plus grandes menaces actuelles et que les scénarios de Bond ont toujours essayer d’utiliser les grandes menaces qui leurs sont contemporaines.

En parlant de choses contemporaines, le roman se passe de nos jours et Sherwood réimagine l’univers de Bond pour créer quelque chose d’un peu nouveau et frais avec notamment des mots qu’on n’a pas l’habitude de voir dans l’univers de Bond tel que « Instagram » ou « YouTube ». C’est tout bête mais avant ce livre je n’ai aucun souvenir d’une aventure de Bond où sont mentionnés les réseaux sociaux. Le plus gros bond en avant se situe au niveau du MI6 qui a subi un gros remanient : il y a un nouveau M, Moneypenny a été promue chef de la section 00 (Lois Maxwell serait sûrement contente, des lecteurs du roman le seront moins) et Q est désormais un ordinateur quantique.

C’est d’ailleurs un plaisir au début du roman de découvrir petit à petit ce nouvel univers, de devoir en quelque sorte assembler le puzzle car il n’y a pas de scènes d’exposition expliquant clairement tout d’un coup. Toutefois ce plaisir laisse à la longue place à la lassitude car le manque d’explications claires (et de rappels), arrivant trop tard, l’utilisation de mots trop ambigus, vient porter confusion. Par exemple quand Dryden est introduit il semble gay et noir, toutefois il faut attendre plusieurs chapitres pour en avoir la confirmation écrite noire sur blanc. Ou Moneypenny qui va parler à quelqu’un qu’elle soupçonne d’être un traître et soudain on ne sait que ce qu’elle a fait à ce sujet jusque vers la fin du roman. J’ai du bien passer la moitié du roman à me demander qui est Q car je n’avais pas compris que c’était un ordinateur. Certes mon niveau d’anglais doit y est être pour quelque chose (et j’ai oublié de le préciser : il n’y a pas de traduction française pour ce roman), mais il y a aussi clairement un manque flagrant de clarté.

Il en va de même pour les méchants, les motivations de Rattenfänger a accomplir son objectif sont théorisé par le MI6 mais quand l’explication est donné (ou plutôt évoqué), elle n’est pas claire est consiste à une ligne de dialogue vague dont on peut facilement passer à côté. De même le but du méchant du roman tombe à plat car difficilement compréhensible vu qu’il semble vouloir quelque chose qu’il a déjà.

D’ailleurs le roman est beaucoup trop long (50 chapitres !) et compliqué pour l’intrigue peu épaisse qu’il propose. D’un côté la durée est étendue de manière artificielle avec davantages des retournements qui sont là que pour ralentir nos personnages dans leurs enquêtes que développer le cœur de l’intrigue (je me suis même dit à un moment « allez, encore un kidnapping alors qu’on était enfin sur le point de progresser »).

Il y a trop de personnages secondaires et tertiaires à retenir et dont on oublie les rôles (comme les conseillers de Paradise) : on a l’impression que ça part dans tous les sens. De plus le roman part effectivement dans deux directions différentes : 003 et 009 mènent une enquête, tandis que 004 en mène une autre. Les deux enquêtes sont liées et le roman switch de l’une à l’autre quand il le désire. Et alors quand vous vous dites que « tient cet arc narratif devient intéressant », le roman vous switch vers l’autre duquel vous aviez perdu un peu d’intérêt et rebelote.

Quelques facilités scénaristiques du genre « comme le monde est petit » : entre des caméos d’autres personnages de Fleming non nécessaires (à part un), ces autres références non subtiles dans les noms des personnages qui nous sortent du roman (ex : un personnage nommé « Bob Simmons »), et pas un (mais deux) 00 qui vont rencontrer dans leur enquête quelqu’un de leur passé.

Au-delà, Kim Sherwood connaît pour sûr son Fleming, on apprécie les références très subtiles à certains romans et Thrilling Cities dans Double or Nothing. Beaucoup d’endroits visités dans ce roman et les descriptions de ceux-ci sont vraiment très réussites (ce qui est d’autant plus remarquable quand on sait qu’elle a écrit le roman durant les confinements et qu’elle n’as pas plus se rendre sur les lieux). Sherwood a aussi une bonne culture générale et j’ai adoré trouver des anecdotes intéressantes sur des lieux ou faits au travers de ce roman. Trouver de bons titres de chapitres est aussi quelque chose qu’elle réussit avec brio.
J’apprécie aussi qu’elle ait décidé de créer sa propre organisation avec Rattenfänger plutôt que ramener un SPECTRE que je ne peux plus voir en peinture. Le roman flirte un peu avec le Bond cinématographique avec des gadgets (mais manque de détails sur les armes à feu) et a des petits airs de Meurs un autre jour.

L’édition exclusive de Waterstone contient en bonus un essaie sur l’héritage des femmes dans Bond. Et bien que je ne suis pas sûr de ressentir le besoin de lire quelque chose sur le sujet, je suis un complétiste. L’analyse de Sherwood sur le sujet était intéressante à lire.

En conclusion, Kim Sherwood a apporté beaucoup de nouvelles idées sur la table en développant ce nouvel univers de Bond. Nos trois nouveaux agents font le travail et Sherwood arrive a leur insufflé assez de vie et background pour qu’on se soucis d’eux. Le fait qu’ils ne soient pas Bond ajoute une certaine tension (vu qu’il s’agit de nouveaux personnages, on a en tête que Sherwood peut à tout moment vouloir les faire mourir ou devenir des traîtres). Mon préféré est peut-être Dryden car je trouve son arc narratif plus intéressant et qu’il n’a pas connu Bond (et je trouve que Bond est trop référencé dans les mémoires des autres personnages, pour quelqu’un qui est absent). Un roman que je qualifierais au final de moyen. Une intrigue plus concise et plus claire, moins de clins d’œil et forcer moins sur la diversité auraient, je pense, servi infiniment le roman.

Également : ci-joint mon résumé détaillé de l’intrigue si vous avez du mal avec l’anglais ou autre.


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